Incipit
...ou le pain pour la route...
J'ai pensé à eux en nommant mon blog. A Claire et à Maurice Bellet. A cette parole qui m'a été offerte et qui venait me rejoindre au plus profond. Peu avant que je sombre dans la dépression, Claire m'a remis ce petit livre de Bellet entre les mains en me disant "tiens ! commence par le commencement !" - "Incipit ou le commencement". J'ai lu. Et puis relu. Dans le glissement inexorable vers le gouffre, j'ai lu et relu. Je n'avais plus la force de m'accrocher à quoi que ce soit. C'est cette parole qui me tenait. Cette parole qui est mienne et qui dit si bien l'Initiale.
"...tout, et le divin même dont les hommes ont rêvé, se concentre en ceci : que nous soyons cette primordiale tendresse les uns pour les autres..."
"C'est en l'homme. C'est en l'entier de l'homme. Pas seulement l'esprit, mais le corps. Pas le corps séparé, mais la chair comme présence, parole, esprit. C'est en tout ce qui habite l'homme, y compris l'obscur et l'en-bas, repris, transfiguré, transmué."
"C'est en cet homme qui peux porter cet amour jusqu'au bout, traverser et soulever l'épaisseur humaine, traverser sans dévier la ténèbre meurtrière."
"Ce qui s'annonce est la vie heureuse : l'éveil, le soin, le partage - et pour tous, quitter la voie de tristesse et cruauté, passer sur le chemin de joie et de grâce. C'est la douce splendeur de l'amour, la paix, la réconciliation, la fin de la faute, l'harmonie des puissances - la genèse retrouvée ! Rien de faible ou de mou, comme l'imaginent les violents, dans leur faiblesse fondamentale. Au contraire, la plus grande force, l'inouï, le bond par-delà ce monde tel qu'il est vers une humanité enfin en plénitude.
Tout commence et ne cesse de commencer dans cette joie. Tout ce qui pourra venir ensuite - dans les épreuves et les douleurs - ne doit pas rayer ou faire oublier cette aurore. Elle est, si elle est, l'inentamable en l'homme, par dessous toute misère, la source qui ne cesse de sourdre sous les pierres et la boue, la cendre et les déjections."
"Il nous faut sans cesse retraverser le commencement, dont la présence est en ce que nous sommes, effectivement, les uns aux autres.
Le chemin que je dis ne rêve pas. Celui qui s'y avance va faire lever, autour de lui, toutes les puissances de meurtre, toute la tristesse du monde. Rien à voir avec la mièvrerie utopique.
Il va traverser. C'est-à-dire : meurtri, écrasé, ne pas dévier, ne pas se laisser contaminer et captiver par l'esprit de destruction ; jusqu'au bout : parler, soigner, donner, aimer - rien n'est abandonné, nul n'est abandonné.
Au bout, le silence. [...] ce qui naît là, passant la nuit d'origine, ce qui se répète, par-delà, l'aurore aimante de l'humanité, c'est le vrai commencement de l'homme, le point sans appui paraissant, fulgurant, au coeur du trouble et des détresses."
Maurice Bellet
Alix