Aurore
Je l'ai dit. Je l'ai écrit.
Je suis face à ma parole et je voudrais l'effacer.
"Je vais te faire souffrir autant que j'ai souffert." Je l'ai crié comme une incantation.
"Je n'ai jamais cherché à mettre ma menace à exécution. Et pour être tout à fait honnête moins par bonté que par manque d'intérêt pour la chose, par manque de force et d'opiniatreté." Je l'ai dit en un matin endolori, après une longue veillée de larmes.
Je ne suis pas à l'aise avec cette vérité de moi-même.
L'enfer, je sais.
Le corps et l'âme déchirés.
La brulûre vive et interminable qui étreint, pétrit, broie, décompose.
La lame aiguë de la douleur qui vient lacérer les chairs.
L'infini du temps dans la stridence de l'atroce.
Et la solitude. La noire solitude.
Rien, ni personne ne peut être là.
Même la mort ne peut en finir avec ça.
L'accalmie n'est que le prémice d'un autre gouffre.
Alors la rage. L'envie d'agripper l'autre pour l'entraîner dans les bas-fonds de la violence infligée.
Se battre. Se battre pour en sortir. Se battre depuis toujours.
Moi, la battue d'avance, me battre et encore me battre.
Jusqu'à l'épuisement.
Et l'appeler cet épuisement.
Pour qu'enfin ça cesse. Et l'enfer. Et toutes ces forces déployées inutiles et vaines.
Appeler l'épuisement et s'y effondrer.
Dans la dépression.
Dans l'hémorragie.
Et dans l'effondrement, laisser venir ce qui doit advenir.
Et maintenant, assise au seuil, perdre à tout jamais la bataille.
Tarir les blessures.
Ne rien oublier, mais permettre l'apaisement. Consentir enfin à vivre.
Puis me lever.
M'avancer nue.
Nue et debout.
Venir poser mes joues au creux de tes mains ouvertes.
Et trouver enfin le repos.
Dans l'aurore d'un jour naissant, m'offrir à toi dans l'extrême de ma fragilité.
Confiante.
Alix