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10 août 2005

Le temps ne compte pas

Mon coeur a basculé hier.
Mon coeur a basculé sur le fil de l'écriture.
J'avais tant et tant de choses à dire. Et puis, ma parole s'est suspendue. Le silence s'est établi. Et là, dans le secret du silence, mon coeur a basculé.

Ma mère est morte le 17 janvier 1989. Le jour de l'anniversaire de mon père. J'imagine qu'elle a pensé que c'était son plus beau cadeau.
J'ai vécu cette mort comme une libération.
Je me suis enfin séparée de ce mari qu'elle m'avait imposé pour rétablir l'ordre moral.
Elle avait rétabli l'ordre moral. Parce qu'elle était morte, j'ai enfin osé rétablir la folie de l'élan spontané.
Et puis, j'ai enfin osé faire les études supérieures qu'elle m'avait interdit de faire. Faire de études supérieures, c'était lui échapper. Donc, elle ne voulait pas.
J'ai enfin osé en me disant que si elle était vivante, ça aurait été impossible. Elle m'aurait encore et encore harcelée. Ça aurait été impossible.
C'est terrible, ça : devoir sa liberté à la mort de quelqu'un.
En fait, ce n'est pas une vraie liberté. Il reste les chaînes dont on a pu se libérer.
La vraie liberté, c'est celle que l'on s'offre au quotidien. Construire sa liberté, c'est une besogne de tous les instants. C'est une besogne exigeante. Il faut rester en éveil pour défaire chaque maillon qui cherche à vous enserrer. Chaque jour, c'est à refaire, car la liberté n'est pas une évidence. Chaque jour, le liberté est à construire, c'est un devoir. Pour soi-même.
Voyez-vous, je l'ai aimée ma mère. Aussi bizarre que cela puisse paraître, je l'ai aimée. Et je l'aime toujours. Sans raison. Et pour de multiples raisons.
Elle avait de nombreuses et grandes qualités. Et surtout, surtout c'était une femme de coeur. Elle savait écouter et avoir cette vraie générosité qui respecte l'autre, même le plus misérable, surtout le plus misérable.
C'était une femme de coeur...sauf avec ses enfants. Parce que là, elle était enchaînée à sa propre mère - j'en reparlerai.
Elle était enchaînée et en souffrait. Elle voulait la liberté pour nous, ses filles. Elle la voulait, ça j'en suis sûre. Même si ses actes contredisaient la volonté de son coeur. De coeur à coeur, on sait la vérité de l'autre. Elle voulait ma liberté parce qu'elle m'aimait. Alors, d'avance, je lui ai tout pardonné.

Hier, j'ai écrit "ce qu'il ne sait pas le canard, c'est dire complètement non".
Et mon coeur a basculé.
J'ai écrit et j'ai vu.
J'ai vu que partir, c'était le plus bel acte d'amour que je pouvais offrir à mon enfant.
J'ai vu aussi que partir, c'était le plus bel acte d'amour que je pouvais offrir à ma mère.
J'ai vu la faille aussi : cette rupture non aboutie, juste une esquisse, un petit pas. Je n'ai pas su dire non complètement.
Et pourtant dire non aurait achevé l'acte d'amour.
Pour elle-même, comme pour moi, comme pour mon fils.
Briser, briser les chaînes de la violence, les briser toutes.
Rompre, rompre complétement.
Par amour.
Par respect pour elle-même comme pour moi, comme pour mon fils.
Par respect pour la vie.
Parce que la vie ne s'accommode pas de la violence - quelle qu'en soit la forme.
Aimer, c'est ne rien accepter de la violence de l'autre.
Pardonner, c'est d'abord dire non au mal qui vous ai fait. Catégoriquement non.
Hier, mon coeur a basculé parce que j'ai enfin dit non, catégoriquement non.
Et les chaînes se sont brisées.
Parce que, voyez-vous, dans la vie, le temps ne compte pas.

Alix

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Commentaires
A
...et il y en a toujours à briser !<br /> Alix
L
non, le temps ne compte pas tant que les chaînes existent Alix....
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