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27 août 2005

Tenir la distance

"...et dans l'écrit l'émotion du langage parlé, c'est encore mieux. Que les autres qui courent qui courent qui courent. Et qui ne tiennent vraiment pas la distance, vu le peu d'intérêt de leurs palabres."

Oui, Angéline, j'ai couru, couru, couru et tu veux que je te dise ? J'en ai rien à foutre que tu trouves que mes palabres sont sans intérêt. J'ai couru, couru, couru comme toi tu as fait la pute, pute, pute.
Et puis, j'ai arrêté de courir.
Et j'ai dit merde à ceux qui m'ont dit que, pour moi, c'était facile, arrêter de courir. J'ai dit merde, parce que, non ce n'est pas facile. Pas plus facile pour moi que pour qui que ce soit d'autre. Pas plus facile que de continuer à courir.
J'ai dit merde et je suis partie.
Et j'ai dit non.
Non, au système qui vous susurre à l'oreille proximité-sécurité-humanité pour mieux vous asséner sa violence.
Je suis partie et on m'a dit que j'abandonnais les femmes. Qu'on n'avait pas le droit de faire ça. Qu'heureusement, il y en avait qui restaient.
C'est moi qui abandonne les femmes ? Ou elles qui s'abandonnent à la violence ? Elles qui filent tout droit vers l'usine à bébés qu'on leur désigne alors que d'autres maternités plus proches existent.
Parce que c'est ça mettre au monde un enfant, un petit d'homme appelé à la liberté ? C'est ça accoucher : se faire prendre en charge par ceux qui SAVENT ou prétendent savoir, se faire ligoter sur une table en position allongée, soumise, se faire couper le sexe ? C'est ça ? Et ceux qui savent et qui ont juste le temps de faire ce qu'ils savent - qui n'ont pas le temps d'être là. D'ÊTRE LA.
Je suis partie. Alors, plus de fric. Facile, ça ?
Et bêcher mon jardin et faire du pain quand on est sage-femme. Facile pour moi ? Pourquoi pour moi et pas pour les autres ?
Et consommer son deuil, seule ou presque parce que si peu vous comprennent et que tant vous condamnent. Facile pour moi ? Pourquoi ? Et vous condamnent en silence parce qu'ils sont lâches et pressentent la parole cinglante qui les renverra à eux-mêmes et à leurs incohérences s'ils ouvrent la bouche.
Et celui qui vous condamne le plus et sous le toit duquel vous habitez. Et qui se tait. Et qui se terre. Et qui espère que la révolte va mourir. Et qui voudrait bien la tuer la révolte. Qui la tuerait s'il le pouvait. Ou la révoltée, s'il avait le droit. Pour qu'elle se taise. Pour qu'elle arrête, qu'elle arrête de dire la révolte et la souffrance.
Et partir de là aussi. De sous ce toit. De cette maison maudite. Partir sans fric. Et la révolte intacte. Intacte. Parce qu'il faudrait que le monde change pour que la révolte se taise.
Partir et ne plus courir. Et être dans l'attente. Et être là. ÊTRE LA. Les mains vides et simplement dire tu sais, tu es capable, tu peux. Et s'émerveiller, parce que, oui, elle sait, oui ils savent, du fond d'elle-même elle sait, du fond d'eux-mêmes ils savent.
Et le "pas de fric". Peut-être que j'en crèverai un jour, du "pas de fric". Peut-être que je vais en crever de fin (oups, lapsus : faim, crever de faim). Devant le centre Leclerc qui est juste en face de chez moi. Où vont tous les soixante-huitards en colère parce que Leclerc montre leur photo aujourd'hui. Eux, dans leur lutte aujourd'hui : la course à la consommation, la course au moins cher(la course au moins cher c'est la course à l'esclavage, à l'esclavage de ceux qui courent vers le moins cher), la course au toujours plus. Peut-être que je vais crever de faim devant ce Leclerc où je ne vais pas, où je ne vais plus parce que même là, surtout vers ça, je ne veux plus courir. Peut-être que je vais crever parce que je suis partie et que je n'ai plus de jardin à bêcher. Eh bien, plutôt crever, oui, plutôt crever que de courir là.

Et mes palabres sans intérêt pour d'autres. Je vois leur intérêt, moi, je vois. Je vois toutes les barrières entre mes tripes et ce qu'elles crient et ma main qui écrit. (Un peu moins de barrière, tiens, là, aujourd'hui). Et mes palabres, ils cognent dans les barrières. Et je m'entêterai à écrire jusqu'à les faire tomber toutes. TOUTES. Et là, j'écrirai encore.

Et là, seulement, je commencerai à écrire.

Alix

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Commentaires
S
La pire des violence car son intention est de nous réem-Bobin-er dans la matrice pégueuse des pas-nés contents de l'être
A
On pourrait même dire : Non, au système qui vous susurre à l'oreille LIBERTE-EGALITE-FRATERNITE pour mieux vous asséner sa violence.
S
moi non plus .
A
Simone, je ne sais pas si les clochards disent non...<br /> Alix
A
Angéline, tu n'en rencontres jamais des gens qui disent non et qui mettent leur non en actes, jeunes ou vieux ? Moi si, et ça me fait du bien de me sentir moins seule...<br /> Alix
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