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Initiale
23 juin 2005

Psychotique

"- Je suis psychotique !"
Je le regarde droit dans les yeux. Nous sommes face à face. Il est en train de nous expliquer qu'il est indispensable, ABSOLUMENT INDISPENSABLE que le nouveau-né ne soit pas seulement nourri par sa mère. INDISPENSABLE qu'il ait des contacts physiques, que sa mère lui parle, le berce, le caresse. Sa mère ou quelqu'un d'autre. ABSOLUMENT INDISPENSABLE.

"- Et si ça n'arrive pas ? et si la mère ne s'occupe pas de son enfant ?
- Alors, on est psychotique.
-Alors, je suis psychotique !"
Je me sens forte, sereine. Nous sommes face à face. Les autres n'existent plus, seulement nous deux. Je vois son regard qui dérape. Sa voix se casse, il balbutie.

"- Ce n'est pas possible, quelqu'un d'autre s'est occupé de toi et a joué le rôle de ta mère.
- Non, personne. J'étais seule, absolument seule. Je buvais mon biberon, seule, au fond de mon berceau.
- Ce n'est pas possible !
- Si ! ...et si je ne suis pas psychotique, c'est qu'il y a autre chose..."
Le regard vacille, se perd...trouve son issue : se replonge dans les notes de cours.
"- Continuons !"

Oui, continuons, pas la peine d'insister. Comment aurais-je expliqué ? Qu'aurais-je pu dire de l'Initiale ? Qu'elle est source et que c'est de cette source que j'ai puisé la force de vivre ? Qu'en aurait-il compris ?

Comment dire la terreur qui m'a vrillé les tripes dans le désert de ma solitude ? Comment dire que mon corps s'en souvient ? Comment évoquer la menace, la violence meurtrière qui peut s'abattre d'un instant à l'autre ? Comment dire qu'au fond de moi s'est vérouillé un long cri de détresse ? Interminable cri de détresse, dont seulement quelques particules se sont libérées lorsque, moi-même, j'ai donné naissance pour la première fois.
Comment dire que malgré la terreur qui me transperce, qui me plaque là, au fond de mon berceau, je sais l'Initiale. Je suis reliée à ma source. Je sais que je suis dans la traversée, qu'un jour, ailleurs, autrement, je connaîtrais la rencontre, cet entre-nous qui nous fait homme. Je sais qu'un jour, ailleurs, autrement, je connaîtrais la chaleur, la douceur, la tendresse.

Plaquée par la terreur au fond de mon berceau, je vagabonde...

Alix

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Commentaires
A
Oui, nobody, difficile de grandir tout droit mais si la droite est le chemin le plus court entre deux points, il n'est pas forcément le chemin le plus beau et le plus fort pour grandir.<br /> Merci de ton passage ici.<br /> Alix
N
Curieux comme les histoires se ressemblent ! Ma mère aussi, violente parce que dépressive et si lasse. Pas de tendresse, rien que des ordres et des remontrances... Difficile après ça de grandir tout droit !<br /> <br /> Amitiés Alix !
A
Bonjour Chris<br /> <br /> Merci pour ton passage ici, il me touche. Je te lis…en silence !<br /> Vois-tu ma mère était prise dans les méandres de la dépression et de l'épuisement. Sa douleur morale l'entraînait vers la violence. Et pourtant, elle m'aimait. Elle me l'a dit et je me suis sentie aimée d'elle. Sans doute est-ce là, le fil ténu (en apparence) qui m'a relié à l'Initiale.<br /> Je ressens plus d'amertume quant à l'absence du père (et donc du mari), sa froideur et son indifférence.<br /> Bises à toi.<br /> Alix
A
Merci...et bienvenue à Initiale !
C
...Ce texte est un coup de massue. Je me dis que si tu n'es pas morte ou devenue folle c'est que quelque chose veillait sur toi, malgré tout, du fonds des âges.Une mère qui n'aime pas son enfant, on en revient à la dame que j'ai cité dans mes commentaires sur "La truite" et qui a suscité tant de vents contraires. Oui, certes, on n'a pas le droit de juger une femme qui n'aime pas son enfant... L'amour ça ne se commande pas, celui pour son enfant devrait pourtant...<br /> <br /> Bise Chris
Initiale
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