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2 juillet 2005

Retour

Retour de naissance, vendredi matin à 1 heure. Je lève la tête vers les étoiles. Je contemple la nuit. Moment béni.
Puis je franchis le seuil et je verrouille.
Je verrouille mon âme pour la protéger.
Je verrouille mon corps pour lui éviter un déchaînement de violence.
Cet autre, qui vit en face de moi, ne saura rien de ce que je viens de vivre. Il ne saura rien de ce que je ressens.

Je me souviens.

C'était le 19 février dernier.
Je rentrais d'un stage de boulange.
Nous avions rencontré des boulangers extraordinaires. Leur pain est le prolongement de leur vie - l'un et l'autre empreints du respect de la terre, de la nature, du sentiment d'être si petit face aux forces de vie.
Chacun de leur geste a un sens, chacun de leur geste est comme un pas de danse : beau, vivant, harmonieux.
Ils pétrissent, façonnent, cuisent et sont consciemment reliés à la terre, à l'eau, au feu, à l'air. A la vie, tout simplement.
Tous ont choisi de vivre dans la plus grande simplicité.
Nous passons nos soirées chez une amie, au coin du feu. Sur la table, nous déposons chacun une part du repas - partage. Partage aussi de nos parcours de vie.
Nous avons ainsi passé une semaine non pas hors du monde, mais dans ce monde parallèle où le compagnonnage et le partage mutuel comptent plus que toute valeur marchande.
J'ai repris là contact avec l'essentiel.
La fin du stage fut plus abrupte : comment trouver sa place dans le dédale des lois et des réglements qui restreignent, limitent, empêchent d'avancer sur des chemins nouveaux. J'ai l'impression de perdre mes ailes.

Je rentre à la maison pleine de cette semaine.
Pleine d'élans, pleine d'enthousiasme et pleine de contradictions. Je sens une fois de plus mes élans contraints, limités par l'arbitraire.
Je pleure.
Il écoute impassible.
Je dis : " je revendique de faire ce que j'ai envie de faire, parce que c'est beau et légitime. Je ne peux pas admettre que mon activité soit à tout instant menacée par des lois injustes".
Alors, ivre de colère, blanc de rage, il se lève, me saisit par les épaules, me secoue en hurlant "Tais-toi ! Tais-toi !"
Je lis dans son regard des envies de meurtre.

A chaque fois que je suis intensément dans la vie, à chaque fois que j'exprime par la joie, la créativité ou le chagrin ce que je ressens, c'est la même violence qui surgit en lui.
Pas tout à fait la même violence : elle se déchaîne progressivement et prend de l'ampleur au fil du temps.
Agression verbale lorsqu'il s'adresse à moi. Mutilations quand il s'en prend à lui-même. Son corps est meurtri et couvert de cicatrices.
A chaque fois, la terreur me vrille.
A chaque fois, j'ai envie de fuir, de partir.
A chaque fois, il me dit regretter et use de son charme pour que je reste.
A chaque fois, il me promet que tout va changer, et il crée des échéances qui me placent dans l'attente. "Je vais faire une psychanalyse" - "on va déménager et engager une vie nouvelle" - " on va rester ici et faire des travaux, faire du neuf" - "je pars à St Jacques de Compostelle".
A chaque fois, j'attends, je l'attends.
Il m'a écrit pendant son pélerinage à Compostelle. Je n'ai pas cru ses paroles. Les deux mois de solitude m'ont permis de faire le point et de prendre la décision de partir.

Je n'ai pas encore trouvé mon lieu mais je suis déjà dans le départ.
Je ne veux plus me verrouiller.
Je veux me sentir libre d'exister sans la menace de la violence.

Alix

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