Petit Prince
Je l'ai lu pour la première fois lorsque j'avais 20 ans.
Je m'étais échappée brutalement de l'enfance deux ans auparavant en "tombant" enceinte.
J'attendais mon deuxième enfant.
Je n'y ai lu qu'une chose : l'exaltation de l'enfance et un certain rejet des adultes.
C'était inaudible pour moi.
Mon enfance avait été trop terrible pour que je souhaite, à ce moment, garder un coeur d'enfant.
Je n'avais qu'une obsession : me sortir de cette enfance misérable. Être adulte m'ouvrait, me semblait-il, la première porte.
Alors j'ai pris l'habitude de l'appeler " ce con de Petit Prince".
Je le trouvais tellement mièvre à côté de ce que j'avais vécu.
Au cours du temps, mon impression fut renforcée par les grandes personnes raisonnables qui m'en ont parlé.
"Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé" et ça vient justifier de rester enchaîné à une relation destructrice.
"L'essentiel est invisible pour les yeux" signifie "sois donc aveugle aux horreurs que je t'impose !"
...décidément, pas de quoi le trouver sympathique ce con de Petit Prince.
Parce que l'autre nuit, je ne dormais pas.
Parce que Chris et Franck l'avaient évoqué et que, ces deux là, je les aime et je leur fais confiance.
Je suis descendue cueillir le livre dans la bibliothéque et je l'ai relu.
Quelle rencontre !
L'impression, là, au milieu de cette nuit, de l'avoir toujours porté dans mon coeur ce Petit Prince, d'avoir toujours eu les mêmes priorités que lui.
Je peux enfin l'entendre parce que, sur ma route, j'ai eu la chance, par émissions de radio interposées, de connaître Françoise Dolto : elle m'a réconciliée avec l'enfance et m'a aidée à construire une relation sereine avec mes enfants.
Reste l'épisode du renard.
Ce chapitre est une leçon que je peux enfin recevoir.
Après la leçon, reste le cheminement.
Je sais qu'il pourra encore être long avant que je me laisse, un jour, vraiment apprivoiser.
Alix