La Sainte
Il est tout cabossé, ébréché par endroit et ses plaies saignent encore. Pourtant je l'aime.
J'ai commencé par le détester.
Comment aimer un prénom aussi long lorsqu'on est une petite fille timide ? Il faut aller jusqu'au bout de la vie pour l'énoncer à l'adulte curieux qui vous trouve bien impertinente de lui renvoyer sa question "et toi, comment tu t'appelles ?"
Ce prénom, je connaissais sa raison d'être alors j'aurais préféré me prénommer Alix.
Il est le prénom de la Sainte.
La Sainte, elle est là, toujours vivante, elle veille sur moi. Elle m'est si familière que j'en parle souvent. Alors on m'a expliqué qu'elle était morte et on m'a emmenée voir son corps. Au retour du musée, j'ai vu des moutons dans un champ. J'ai su qu'elle était là. Les moutons, c'était son signe pour se rappeler à moi. Je me suis tue. Désormais, ce serait un secret entre elle et moi.
Et puisque j'avais un prénom de Sainte, j'ai voulu être comme elle, une Sainte. Pour être Sainte, il faut commencer dès le matin au réveil. A la première incartade, c'est fichu pour la journée. Il faut recommencer le lendemain matin. Ma sainteté s'est toujours écroulée bien avant que midi ne sonne. J'ai fini par renoncer.
Il est le prénom de la Sainte. Il est aussi le prénom de tous les chemins, de tous les égarements.
Il est le prénom de toutes les douleurs et de toutes les joies.
Il est de tous les combats pour sauver mon âme.
Il est tombé quand je tombais et s'est relevé quand je me redressais.
Il a connu les pires abîmes et vécu les plus divines hauteurs.
Alix est là, toujours là. Alix plane au-dessus et veille...avec la Sainte ?
Alix est là, mais c'est mon prénom qui porte l'empreinte de mon histoire. Alors, je l'aime ce prénom.
Alix