Hors parenthèses
J'étais partie pour me mettre entre parenthèses.
Je suis partie et j'ai roulé.
J'ai choisi l'ouest. J'ai choisi la pente descendante pour commencer.
Et j'ai roulé.
Besoin d'avancer. De me laisser glisser.
Mon corps me rappelle sa fatigue, ses douleurs, ses hémorragies.
Et je roule avec cette douleur lancinante dans l'épaule.
Au retour, il faut remonter la pente.
Le corps est plus docile mais le sang gicle par rafales.
Et là, je me rends compte que je ne suis pas entre parenthèses mais hors parenthèses.
Il y a 24 ans, j'ai parcouru ce chemin.
Le corps aussi dans l'usure et la fatigue. Les roues m'étaient quasiment indispensables pour me déplacer. Vélo sur lequel je grimpais et pédalais. Landau ou poussette d'enfant sur lesquels je m'agrippais pour m'aider à mettre un pied devant l'autre.
Mon corps ne me supportait plus. La douleur était si présente qu'elle se faisait oublier.
Il y a 24 ans, je suis partie et j'ai roulé puisque je ne pouvais plus marcher.
Et la semaine dernière en remontant la pente, je réalise.
Je suis à peu près dans le même état qu'il y a 24 ans.
Ça ne marche plus. Je suis dans l'usure.
Et pendant ces 24 ans, une longue parenthèse. Avec une pente ascendante pour commencer. Pour me réconcilier avec mon corps, pour me réconcilier avec moi-même.
Et puis, arrivée au sommet, la longue pente descendante.
La fatigue. La fatigue insoutenable des études supérieures. La fatigue qui me fait déraper vers les égarements affectifs. Les égarements affectifs qui viennent ruiner mon être. Et puis l'échappée vers ce que je crois être la sécurité et la tranquillité : un emploi en milieu hospitalier. Et cette échappée-là me mène vers un peu plus de fatigue, un peu plus de ruine.
Voilà. au bout de la parenthèse : retour à l'état antérieur.
Retour vers un quotidien redouté.
Alix