Transition
Ça lâche par tous les bords depuis longtemps déjà. Rien ne tient. Tout glisse. Tout s'évapore. Tout s'anéantit. Le rêve de l'hôpital, du lieu hospitalier qui accueille même le plus pauvre, le plus paumé, surtout celui-là. Et le rouleau compresseur qui écrase, qui anéantit et le rêve et les êtres. Alors un autre rêve, à Paul, un jardin et puis un lieu d'accueil. Lui, il ne dit rien, semble acquiescer. Et puis, le matin où l'artisan doit venir pour les travaux, il dit non. Il dit non. Rien ne doit bouger ici, sous peine de réveiller la violence. Et puis, il y a Claire, ce rêve idiot et impossible, d'être là, présente à elle, toute à elle aux derniers temps. Le rêve de lui tenir la main au moment du grand passage. Et en miroir mon rêve à moi, de cette main dans la mienne à l'instant ultime. Comme un coup de gomme sur la solitude. Abandonner ce rêve là aussi, parce qu'impossible. Décidément rien ne tient, même le juste et légitime.
Le corps parle sous les silences. Le corps se glisse sous les verrous et s'impose. Ça saigne, ça coule, ça fout le camp en hémorragies. Ça coince, ça raidit, ça verrouille, ça ne peut plus le rêve. Et ça bouffe la peau, ça détruit les cellules élastiques de la peau, ça s'auto-détruit.
Et la mort, là, tout contre moi. Qui me sourit dans l'hémorragie. Oui, se laisser glisser dans le paradis cotonneux de l'exsanguino-transition. Et la mort, là, tout contre moi, qui grimace ses atroces prémices. Je l'ai déjà goûté celle-là, je sais ce qu'il en est.
Alix