Je suis
Je suis sur le seuil.
Le temps est suspendu.
J'ai l'éternité devant moi.
Je viens de le rencontrer.
C'est un monsieur important.
Alors, forcément c'est un monsieur riche.
Il possède un bel et solide édifice. Social. Familial.
Un bel édifice sans fissure. Ou presque. Presque.
Un bel édifice à protèger. A colmater par où ça pourrait fuir. Perdre. Couler.
Le coeur est froid, glacé. De solitude.
Le corps est figé.
Le corps a crié. Une fois. Une seule fois.
Il a été disséqué.
Le corps doit se taire maintenant. Se taire. Surtout se taire.
Et le coeur aussi.
Pour protéger l'édifice.
Pas de souffrance. Juste un édifice à protéger.
Moi, je passe mon chemin.
Je ne peux que passer mon chemin.
Moi, je suis la femme sauvage et nue.
Moi, je suis la femme aux plaies sanglantes et aux mille douleurs.
Moi, je suis la femme sanglante et nue qui se tient sur le seuil.
Et si fragile et si forte.
En mon âme est un joyau.
Il n'est pas à dilapider.
Moi je suis la femme sauvage qui franchira le seuil en cicatrices.
Alix