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Initiale
26 juin 2005

Orages

Je ne suis pas venue hier.

Un temps de silence.

Une grande inspiration,
et là dans un souffle, je vous dis...

Hier après-midi,
Chaleur, moiteur. L'air s'électrifie. Les mouvements deviennent pénibles sous la lourdeur de l'air. La tension monte.
Malaise.
Hier, il y a eu un orage, évènement banal en ce début d'été.

Il me rappelle d'autres orages.

Le scénario est toujours le même et pourtant à chaque fois différent. L'ossature est toujours la même, les scènes se construisent au fur et à mesure, au gré des évènements qui jalonnent notre quotidien.
C'est au moins une fois par semaine, souvent 2-3 fois, voire plusieurs jours d'affilé. Tout dépend de nos humeurs, de la rapidité avec laquelle s'installe la tension. C'est l'une ou l'autre...ou l'une et l'autre qui la fait monter cette tension. Nous nous cherchons. Progressivement, ça s'électrise entre nous. Les paroles deviennent acerbes, les gestes se font plus brusques - je me souviens de lui avoir craché au visage une fois, "comme ça", "sans raison".
Les voix grondent, puis claquent. Elle de sa voix grave, masculine ; moi de façon plus stridente, le timbre embué de larmes et de la rage de l'impuissance.

Rupture.
Rupture avec l'Initiale.

Dérive au fond du gouffre.

Elle m'entraîne avec toute sa puissance dans son feu, au coeur de son enfer.
Les corps traversent l'espace et se foudroient dans la rencontre.
Je voudrais qu'elle meure, j'ai envie de la tuer.
Nos regards se croisent, ils sont dans le même lieu de haine et de violence.
C'est elle la plus forte évidement.
Elle m'a plaquée au sol et frappe, frappe, frappe, frappe, frappe, inlassablement, interminablement.
Méthodiquement, elle frappe, frappe, frappe, frappe, frappe...
Je crie, je hurle, j'appelle au secours, hurle qu'elle veut me tuer...
Elle frappe, frappe, frappe, frappe, frappe...
Je m'abandonne, lâche prise, je n'ai plus envie de la tuer...seulement envie de mourir...
Elle frappe, frappe, frappe, frappe, frappe...
Nos deux corps ne font plus qu'un...
Elle frappe, frappe, frappe, frappe, frappe...
Violence, passion...
Elle frappe, frappe, frappe, frappe, frappe...
C'est bon et ...

et...

et...

je ne sais pas trouver les mots pour dire...

...et dans un éclair, je jouis.

Je jouis et je pisse.

Je pisse et je jouis.

Voilà, c'est fini, elle me laisse.
Paix et repos.

Non, ce n'est pas fini.

Elle me saisit, me relève, m'entraîne de force dans la salle de bains.
Les cris reprennent, les appels au secours.
Rien n'ébranle sa détermination, et pour cause : les voisins entendent mais restent passifs.
Elle m'a placée dans la baignoire.
Douche froide.
Je crie, crie, crie, crie, crie...
Eau glacée, glacée jusqu'aux os...
Je crie, crie, crie, crie, crie...
Inlassablement, interminablement...
L'eau glacée coule, coule, coule...
A nouveau, je jouis et je pisse,
je m'abandonne et je grelotte,
je me tais.
L'eau se fait tiède, puis agréablement chaude.
Les larmes coulent...seules... pas un sanglot.

Ce n'est pas encore fini.

Le robinet s'arrête.
C'est maintenant l'humiliation du déshabillage, la honte de la serviette qu'elle passe sur mon corps et ostensiblement sur mon sexe.
Je suis une poupée de chiffon...passive...

Je rejoins alors mon lit.
Les larmes continuent de s'écouler.
Comme à chaque fois, la tentation se présente : "ce n'est pas grave, ça n'a pas d'importance, de toute façon je m'en fiche, je n'ai rien senti..." Comme à chaque fois, je la balaye. Je veux tenir debout. Je veux vivre et pas seulement survivre. Je sais que pour cela, je dois garder ma sensibilité. J'accepte de dire : "j'ai mal, je souffre, je vis l'enfer". Je sais que je trouverais la porte de sortie grâce à ma sensibilité.
Je veux garder mémoire de la terreur, de la violence, du gouffre infernal. La mémoire sera mon bouclier, mon rempart, me protégeant d'un retour vers le néant, elle me gardera et m'empêchera de faire subir à d'autres ce que ma mère m'a infligé.
Je veux garder confiance : oui ailleurs, en d'autres temps, il est des lieux de vraies tendresses, où la rencontre avec l'autre illumine, élève, rassure, console...Tout simplement, sans rien demander en retour.
Mémoire, sensibilité, confiance. C'est ma devise depuis le tréfonds des âges ; avant même que mon intellect ne soit capable d'énoncer des mots et des concepts.
Mémoire, sensibilité, confiance, c'est ce que ma source me chuchote depuis la nuit des temps.

Aujourd'hui encore la blessure est à vif. A évoquer ces souvenirs, la douleur se ravive.
Mémoire, sensibilité, confiance. Les larmes continuent de couler, venues d'un étang de chagrin intarissable.
Je garde confiance malgré l'errance, malgré les égarements. Je continue à espèrer qu'enfin, un jour, je puisse, sans crainte, laisser reposer ma tête sur l'épaule d'un homme, d'un compagnon. Je continue à espèrer qu'enfin, un jour, je pourrais vivre sereinement et joyeusement l'Amour.

Alix

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Commentaires
A
Oui, Franck, là, au coeur de l'innommable, entre pisser et jouir, j'ai franchi le pas. Traversé la haine et l'effroyable douleur. Il me reste encore du chemin à faire pour entrevoir la lumière mais je la pressens.<br /> Alix
F
Les souvenirs déchirent l'âme, et les mots qui disent l'horreur sont forts...J'ai envie de dire, si tu me le permets : entre pisser et jouïr se trouve l'espace étroit par lesquels la lumière va passer...<br /> C'est un beau texte Alix, beau et fort et dur...<br /> Continue<br /> Bises<br /> Franck
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